Country Manager France chez Intershop, Toufik Boudellal est notamment un spécialiste de l’IA. Il évoque ici les grandes orientations de l’éditeur de la plate-forme e-commerce leader en B2B.
INNOVATION B2B : Comment l’IA vient modifier la manière de pratiquer l’e-commerce B2B ?
Toufik Boudellal : Ce qui caractérise le B2B, ce sont des produits généralement complexes et configurables, ainsi que des typologies de clients professionnels allant de l’organisation la plus simple à la plus complexe. La force commerciale est nécessaire pour l’étape d’accompagnement des clients. Mais d’un autre côté une partie des clients cherche du self service. L’IA est donc en train de redéfinir les contours du rapport commercial-client en aidant d’une part les clients à mieux choisir en autonomie, mais aussi en augmentant la capacité des forces de vente à personnaliser l’offre. On assiste à un repositionnement des commerciaux en tant qu’experts, forts de leur historique avec les clients, mais nourris des apports de l’IA, proposant une expérience hybride.
Par ailleurs, l’IA est un outil d’enrichissement de la donnée. Prenons l’exemple des grossistes : ces derniers travaillent souvent avec des données produits incomplètes, fournies de manière partielle par les fabricants. Mais par ailleurs les sites Web de ces mêmes fabricants comportent une grande richesse de données, aussi une IA capable d’aller récupérer cette donnée, de la croiser avec les données catalogue des grossistes, est un vecteur puissant de classification fine, ce qui va bénéficier aux clients finaux.
Comment cela se traduit-il dans l’offre Intershop ?
Les exemples que je viens de citer font partie des directions prises par Intershop ces dernières années. Nous sommes sur un rythme de lancement d’environ un agent IA par trimestre. Le dernier en date est un agent de traduction couvrant 25 langues. L’avenir d’Intershop se construit plus largement autour d’un ensemble d’agents IA – agent pour les vendeurs / agent pour les acheteurs, agent support / agent analyste, agent de personnalisation / agent de contenu et d’interface, etc. – utilisés pour construire l’écosystème numérique.
Ces agents spécialisés ont une grande force par rapport aux agents généralistes : ils bénéficient d’un contexte précis. Et si aujourd’hui ils opèrent surtout à l’intérieur même d’une entreprise, demain – d’ici à 2027, 2028 – les agents IA de différents partenaires vont pouvoir communiquer entre eux. On peut imaginer un agent achat qui dialogue avec un agent commercial dans une logique de négociation de prix par exemple.
De plus, les agents actuels sont essentiellement réactifs, mais ils vont devenir plus proactifs. Attention, cela ne veut pas dire que la supervision humaine n’est pas indispensable. Outre le contrôle, l’intelligence humaine est aussi plus performante, à l’heure actuelle, pour se détacher de la donnée et produire des concepts plus généralisables, notamment dans différents secteurs.
Le commerce agentique est donc déjà une réalité ?
D’autant plus que tout est déjà en place, aujourd’hui, pour tester de nouveaux modèles. Les machines sont performantes, les algorithmes perfectionnés, les données disponibles en masse : c’est le meilleur moment pour investir. De plus, de nombreux modèles IA sont Open Source, ce qui permet qu’ils soient installés localement pour des expérimentations. En quelque sorte, il devient possible d’accéder à des fonctionnalités que l’on pensait réservées à de très gros acteurs, et ce même si l’on est un marchand de taille moyenne. L’autre avantage est également de conserver les données confidentielles, et les maintenir dans l’espace européen de surcroît.
En dehors de l’IA, quels autres aspects vous paraissent majeurs dans le développement de l’e-commerce B2B ?
Il y a d’abord la connectivité avec le client : ainsi nous pouvons chez Intershop assurer une liaison de bout en bout entre la commande e-commerce et l’ERP du client. Cette notion de punch-out n’est pas nouvelle mais est rendue aujourd’hui techniquement plus fiable grâce à la modernisation des SI des clients. Cela fait gagner non seulement du temps mais aussi permet d’éviter au maximum des problèmes comme la double saisie de factures, etc.
Ensuite, il y a la notion de portail client. En B2B, un client qui se rend sur une plate-forme e-commerce ne cherche pas nécessairement à acheter : il sera également intéressé à se connecter pour suivre et contrôler son parc de machines, bénéficier d’alertes en cas de panne, trouver aussi les bons prestataires pour effectuer des réparations si nécessaire. Une plate-forme e-commerce B2B devient, entre autres choses, une marketplace de services. Je développerai cette notion de portail lors de mon intervention à la conférence INNOVATION B2B 2025 le 11 décembre.
Quelle est la méthodologie et l’organisation pour un gros projet e-commerce B2B ?
Il y a d’abord une phase de découverte composée d’ateliers de travail sur différents aspects : les produits et services bien sûr, la typologie des clients, le degré de personnalisation souhaité, les problématiques de paiement… Ensuite, une phase d’intégration car l’outil e-commerce est au carrefour d’un écosystème à la fois fonctionnel – qu’il ne faut pas gêner -, technique – par la nécessité de se connecter avec différents applicatifs – et humain car par exemple, le projet pourra nécessiter de nouveaux recrutements.
L’approche qui fonctionne souvent le mieux est la création d’un MVP (ndlr: Minimum Viable Product) qui va couvrir les besoins ayant le plus de business value et proposant une complexité raisonnable de réalisation. Ce socle opérationnel va prendre typiquement 6 mois a être réalisé. Dans les trois mois qui suivent, on va s’atteler à affiner les fonctionnalités, à s’attaquer au plus complexe mais toujours en priorisant suivant la valeur métier. Enfin, et seulement ensuite, on adoptera l’IA car celle-ci exerce sa pleine capacité sur des données récentes et fiables, qu’un MVP aura permis de collecter. Là aussi, je développerai la méthodologie le 11 décembre lors la conférence Innovation B2B.
Toufik Boudellal interviendra sur le sujet « Dealer first : la stratégie Kubota pour relier efficacement B2B et B2C » dans le cadre de la conférence Innovation B2B 2025 le 11 décembre à Paris.
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