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Études, analyses

Distribution B2B en 2030 : vendez du résultat, pas des références


Franck ChenetFranck Chenet, expert du marketing et du commerce B2B, accompagne PME/ETI et grands groupes dans leurs projets de développement, digitaux et d’internationalisation. Il nous livre sa vision des enjeux pour la distribution B2B au regard des transformations de marché et des accélérations technologiques.

La concurrence est de plus en plus intense et peu différenciante dans des marchés qui peinent à se relancer : les clients changent leur approche, les décisions d’achat se financiarisent – coût total de possession, ROI, cash-flow et critères ESG – et l’IA accélère les arbitrages. Dans un contexte où tout devient un critère de compétitivité et de sélection, les leaders de demain ne se contenteront pas “d’ajouter du digital” à un modèle ancien : ils changeront ce qu’ils vendent, comment ils le vendent et comment ils gagnent de l’argent.

Faire « plus de la même chose » ne fera pas mieux. Projetons-nous en 2030 !

La donnée devient un actif produit
Le premier changement est lié à la donnée. On passe du one-shot au récurrent : le “meilleur produit” d’un distributeur ne sera plus une référence, mais une disponibilité garantie, une conformité prouvée, un service ajouté et une performance d’usage avec contenus enrichis. Concrètement, cela signifie des abonnements “service-as-a-subscription” (fournitures essentielles à forte rotation + réassort automatique + support + reporting CO₂) et des programmes de livraison type “Prime B2B” (J+0/J+1, hotline, avantages exclusifs).

Cette bascule n’est pas cosmétique : elle enrichit le mix de marge, augmente la rétention et rend le cash plus prévisible, tout en désensibilisant le business aux guerres de prix.

Or, ce modèle récurrent n’existe que si la donnée devient elle-même un actif produit. On n’achète plus seulement un article ; on achète la bonne pièce compatible, traçable et conforme. D’où la nécessité d’un PIM/DAM riche (normes, CO₂, pièces de rechange), de moteurs de recherche par machine/usage et, pour les solutions complexes, de configurateurs de devis. La conséquence est double : la conversion grimpe parce que l’on rassure et guide, tandis que le SAV et les coûts commerciaux diminuent car on évite erreurs, litiges et frictions.

Un exemple ? Au lieu d’acheter “1000 gants de protection” parce que le magasinier en a besoin, on achète un contrat d’équipement et de sécurité évalué non pas au prix unitaire, mais au coût global d’accident évité, de rotation du stock et de conformité réglementaire. Preuve à l’appui au moment du renouvellement du contrat.

Un point de vigilance à souligner : cette optimisation de la relation client ne fonctionne que si les règles de prix ont été nettoyées au préalable. Sans hygiène pricing et référentiels à jour, les gains se diluent.

Le commercial preneur de commandes devient consultant de performance
Ce socle de données transforme la force de vente. Fin du “prise-commande” : le commercial devient consultant de performance et se mesure aux résultats opérationnels des clients (ruptures évitées, temps gagné, CO₂ réduit, fiabilité accrue). Pour y parvenir, on définit des stocks gérés par le fournisseur ou des flux « juste-à-temps », on contractualise en « gain-share » (partage d’économies) et on conçoit des bundles produits + services. La rémunération suit : moins d’indicateurs d’activité, plus d’indicateurs d’adoption digitale et d’économies client. Résultats : panier et marge progressent, la barrière à l’entrée s’élève. L’écart avec la concurrence se creuse.

Pour une réussite optimale, les équipes commerciales doivent apprendre « la preuve de valeur » en documentant auprès du client les ruptures évitées, les heures gagnées, l’impact éco-responsable.

Ce n’est plus un site : c’est « l’Operating System » du client
Naturellement, si la vente change, la plateforme change. Le e-commerce n’est plus un simple canal, c’est la couche d’orchestration du compte, un véritable « Customer Operating System » : devis, commandes récurrentes, produits complémentaires, contrats serviciels, factures, litiges, stocks gérés par le fournisseur, capteurs IoT et alertes. Le client se connecte, pilote son activité et retrouve ses données en un point unique ; le distributeur propose API/EDI et fluidifie la trésorerie du client. À la clé : réachat en hausse, équipe support des ventes moins sollicitée et NPS qui monte.

Dans cet environnement orchestré, l’IA n’est plus un gadget conversationnel : elle devient coéquipier. Côté client, un copilote d’achat propose des équivalents, optimise le panier, veille à la conformité et à l’empreinte carbone. Côté vendeur, un copilote prépare l’argumentaire, suggère la « next best action » et automatise les relances. On gagne en productivité commerciale, on raccourcit les cycles et on améliore les taux de conversion — sans dégrader l’expérience humaine, au contraire. On l’enrichit différemment.

Le tout doit s’opérer avec prudence. Si selon Gartner 1/3 des applications d’entreprise embarqueront de l’agentic IA dans les relations client/fournisseur d’ici 2027, la même étude indique également que 40% de ces projets seront abandonnés (coûts, valeur floue, “agent-washing”). Il faudra donc privilégier des cas d’usage P&L avec une gouvernance d’implémentation accrue. Quid également de la manière de déterminer le (vrai) ROI de l’implémentation de l’IA.

Une offre servicielle nouvelle génération
De ce continuum naît un portefeuille de services qui fidélise et monétise : « predictive Care » (maintenance prédictive, alertes de remplacement, disponibilité garantie — on vend la continuité d’activité, pas la pièce), paiement différé et segmenté via des partenaires (panier moyen en hausse, friction budgétaire limitée), Club Client avec statuts et avantages pros (communauté, avant-premières, accompagnement sectoriel). Le distributeur cesse d’être un simple intermédiaire ; il devient architecte de solutions, un véritable partenaire. On valorise tous les avantages de la relation dans l’entreprise, pas seulement aux achats et au marketing.

La circularité devient la norme
Ces évolutions n’ignorent pas la durabilité : elles la mettent au cœur. La circularité (seconde main, reconditionné) cesse d’être périphérique pour devenir une vraie gamme cœur, garantie et contractualisée. Marketplace circulaire (reprise/revente), remanufacturing avec partenaires, offres “neuf + reconditionné + contrat d’entretien” : on ouvre de nouveaux points de marge, on améliore le ratio CO₂/€ et on fidélise.

Reste l’épreuve de vérité : la logistique. C’est elle que « vit le client » ; c’est donc elle qui fait l’expérience. Le J+0/J+1 s’impose dans les grands bassins d’activité, avec des micro-hubs urbains, des consignes 24/7, une « logistique inversée » industrialisée (reprise, tri, recyclage) et un tracking temps réel digne du B2C. L’effet est direct : NPS en hausse, différenciation durable et optimisation des coûts unitaires via l’automatisation. Sans oublier le boost de fidélité et la recommandation.

Talents & gouvernance : une montée en compétences s’impose
Évidemment, pas de transformation sans organisation adaptée et accompagnement au changement. Il faut des product owners aguerris à chaque personae client, des designers de parcours, des data engineers 360°, des architectes d’intégration, ainsi qu’un pilote de la transformation qui arbitre par le ROI.

On travaille en squads pluridisciplinaires (commerce–opérations–IT–data–finance), avec des objectifs trimestriels et des points hebdomadaires ; en miroir, côté clients, une Academy (formation, sécurité, conformité, usage optimal) fait évoluer tout l’écosystème sous forme de communauté d’utilisateurs. Ainsi, on réduit le time-to-value, on élargit l’adoption et on maîtrise la dette technique. Et là encore, on fidélise par la valeur ajoutée.

L’enjeu est stratégique. D’ici 2030, 59 % de la main-d’œuvre mondiale devra être formée (up-skilling/re-skilling) pour suivre l’évolution des compétences, largement tirée par l’IA et l’automatisation » d’après le World Economic Forum, Future of Jobs 2025.

Une gouvernance revisitée
Pour passer de l’intention à l’exécution, la gouvernance doit clarifier ses arbitrages : cesser de mesurer le digital au trafic plutôt qu’à la valeur, et d’évaluer la force de vente au « nombre de visites » plutôt qu’aux résultats client.
Lancer ensuite un portail client unique (commandes, services, conformité, finance), des offres récurrentes (Prime B2B, service sous abonnement) et des copilotes d’IA connectés PIM/ERP/CRM.

Parallèlement, il faut amplifier les investissements dans un PIM/DAM industriel, contractualiser des offres de gestion des stocks par le fournisseur (VMI – Vendor Managed Inventory) et de flux Juste-à-Temps (JAT – Just-In-Time) avec mécanisme de partage des gains (gain-share), puis industrialiser la circularité (reprise, reconditionnement, garanties).

Le pilotage s’appuie sur cinq KPIs de clés : part des ventes influencées par le digital (portail, EDI, marketplaces), customer lifetime value (CLV) versus coût de service, et marge mix (produits + services + reconditionné). S’y ajoutent l’adoption digitale côté clients (usage du portail, réassorts automatiques, connecteurs) et le CO₂ par euro de chiffre d’affaires, avec le taux de reprise/circularité.

Action !
La transformation de la distribution B2B ne peut plus être abordée comme un simple projet digital : la financiarisation des achats, la régulation climatique (CSRD, taxe carbone, taxonomie européenne) et l’exigence d’une continuité d’activité en période de permacrise redéfinissent déjà les critères de compétitivité.

D’ici 2030, la compétition ne se jouera pas seulement entre distributeurs historiques : elle viendra aussi des plateformes industrielles globales (Amazon Business, Alibaba, et autres marketplaces issues des acteurs traditionnels B2B (Manutan, Antalis, …) et de start-ups “usage-as-a-service” qui captent déjà des parts de marché sans posséder un seul entrepôt. Ignorer ces nouveaux entrants, c’est courir le risque de se réveiller trop tard : 30 % du marché européen pourrait basculer vers ces acteurs d’ici la fin de la décennie.

Dans ce contexte, le rôle du dirigeant change radicalement. Il ne s’agit plus de piloter des volumes ou un catalogue, mais d’incarner une vision : celle d’un distributeur devenu architecte de valeur client, mesurant son succès à l’impact opérationnel, économique et environnemental qu’il délivre. C’est une gouvernance nouvelle qui s’impose, centrée sur la valeur, la sobriété et la résilience. Les leaders de demain seront ceux qui sauront arrêter ce qui n’apporte pas de valeur, amplifier ce qui différencie réellement et lancer sans tarder les modèles qui réinventent la croissance.

Au fond, la projection est simple : dans cinq ans, on ne jugera plus un distributeur à la taille de son offre, mais à sa capacité à opérer le business de ses clients — disponibilité garantie, conformité prouvée, performance mesurée. Les gagnants seront ceux qui sauront comprendre le métier et les enjeux du client, monétiser le service, industrialiser la donnée et architecturer l’expérience (humain + IA + logistique).

La question n’est plus “faut-il se transformer ?” mais “qu’allons-nous arrêter, lancer et amplifier dès cette année ?” — avec un impact clair sur la marge et la croissance durable.

Franck CHENET, Directeur de filiale / CMO spécialisé transformation digitale dans la distribution B2B et secteurs industriels en Europe et en Amérique du Nord auprès de PME/ETI et Grands Groupes, interviendra le 11 décembre lors de la conférence Innovation B2B 2025.

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